La parole de Fergus
Siobhan Dowd
Bog Child, traduit par
(Gallimard Jeunesse, collection Scripto)
La parole de Fergus est le troisième roman de Siobhan Dowd (le deuxième, London Eye Mystery, n’a jamais été traduit en français) et le premier de deux romans qui seront publiés posthumément (Solace of the Road sortira en février).
Nous sommes en Irlande du Nord, en 1981 , une période particulièrement noire dans le conflit. Fergus et son oncle Tally passent la frontière entre le nord et le sud pour aller voler de la tourbe qu’ils vendent alors aux gens qui se chauffent avec (ce qui donne aux rues irlandaises une drôle d’odeur d’ailleurs !). Mais alors qu’ils creusent, ils trouvent un cadavre. Ils pensent d’abord qu’il s’agit d’une victime de l’IRA. Mais il s’agit en fait d’une enfant qui est là, conservée par la tourbe, depuis 2000 ans. Bientôt une archéologue arrive avec sa fille, Cora, dont Fergus s’emmourache, pour étudier le cadavre et Fergus commence à entendre, la nuit, la voix de Mel (c’est ainsi qu’ils l’ont nommé) qui lui raconte son histoire. Grâce à cette voix et aux découvertes de l’autopsie, la surprenante destinée de Mel se révèle.
Mais tout cela n’est qu’une partie de l’histoire. Mel offre un divertissement qui est bienvenu pour Fergus. A la maison, ce n’est pas tout rose. Son frère Joe, un "provo" (membre de l’IRA) est emprisonné à Long Kesh et comme beaucoup de ses camarades choisit de suivre Bobby Sands dans son combat et entame une grève de la faim. Un vieil ami offre d’aider Fergus : il essayera de convaincre Joe d’arrêter sa grève de la faim, si Fergus accepte de passer des "paquets" de l’autre coté de la frontière...
Ce magnifique roman nous offre deux histoires d’amour, de choix moral, et de sacrifice personnel à travers les récits parallèles de Mel et Fergus, mais c’est aussi plein d’humour, et historiquement convaincant. Ces choses que Fergus décrit, c’est mon mari qui pourrait vous les raconter, lui qui avait l’âge des sœurs de Fergus à cette époque.
Mais ce qui reste impressionnant à mon avis, c’est le talent de Siobhan Dowd, ce talent de surprendre le lecteur jusqu'à la toute fin du livre. On pense deviner ce qu’il se passe, comment ça va finir mais non, jusqu’au dernier moment, on est dupe ! Cela rend la lecture particulièrement satisfaisante.
J’aimerai vous en dire tellement plus, mais je ne veux pas gâcher votre plaisir. Si vous n’avez pas encore lu Siobhan Dowd, laissez-vous tenter, ce livre est certes moins "difficile" que Sans un cri, mais tout aussi magnifique.
Si ce livre n’est pas dans le palmarés de la Carnegie Medal en avril, c’est lamentable !